C'est quoi ton problème El Misri ? Pourquoi avoir tant besoin de réconfort ? D'être rassurée ? Pourquoi venant de Marius? Dingue n'est-ce pas ? N'est-il pas revenu pour toi ? Crois-tu vraiment qu'il va disparaître à nouveau ? C'est cette crainte que tu as. Ce matin quand tout s'est arrêté brutalement ce matin. Les câlins, les baisers, les caresses. Une matinée normale entre deux partenaires. Une journée comme vous les avez toujours vécu. Alors oui, ton problème est là. Tu ne sais pas comment continuer normalement après la nuit que vous venez de passer. Tu ne sais pas faire semblant, c'est plus fort que toi. Tu te refermes comme une huître face à Marius et ton ton n'est pas des plus agréable. Bordel, Esma, détend toi. Arrête de jouer à ça. Impossible. Imbécile va. Et puis c'est quoi ton obsession débile pour ce puit. Evidemment qu'il n'y a rien. Rien du tout. Tu vas tomber sur des ossements dégoûtants... mais avec ça, tu as l'impression d'agir normalement, jusqu'à ce que tu trouves une solution pour parler à Marius. Parce qu'il faut parler, discuter, évidemment mais tu es morte de trouille à l'idée d'avoir une discussion avec lui. A ce sujet.
Tu n'es qu'une enfant. Dès que les choses deviennent sérieuses, tu es morte de peur. L'amour, les sentiments, tout cela te terrorise. Aimer pour perdre les gens ? C'est insupportable. Tu fais en sorte de disparaître avant de ressentir la moindre chose pour qui que se soit. Sauf lui. Sauf Marius. Il t'a eu et tu n'as même pas remarqué. Pas tout de suite, il s'est immiscé en toi doucement, sereinement... et quand il a disparu, tout a été chamboulé. Et la douleur est arrivée, il t'a fait vivre un enfer, un enfer mérité.
Tu reviens avec le matériel pour descendre. Tu ne réponds pas vraiment à Marius et à ses interrogations, bornée dans l'idée de descendre, tu prépares l'aventure. Putain d'aventure foireuse, évidemment, n'est-ce pas prévisible ? Tu es capable de t'assurer toute seule, tu sais escalader, tu ne sais même plus comment tu as appris, ton père plus jeune ? Possible, mais cela remonte à tant d'années... des souvenirs heureux que tu as tendance à occulter. Tu lances un regard à Marius, une envie de le toucher que tu retiens. Tu descends pour ne pas être davantage tentée. Seulement les choses ne se passent pas comme elles le devraient. Le toit du puit cède, pas que tu sois lourde pourtant, mais sa fragilité a été mise à rude épreuve. Il te manque deux mètres quand tout cède. Il y a un fond d'eau qui amortie ta chute. L'eau croupie s'arrête presque aux fesses une fois debout. Une puanteur sans nom en bas, tu ne peux pas t'empêcher de pester, râler. Tu te retiens de sortir plus de jurons, tu en as tout une ribambelle. Marius s'inquiète tout là-haut. Tu grimaces un peu, l'odeur, l'obscurité, rien de très rassurant. Tu frottes un peu tes mains boueuses sur ton haut, au point où en est ta tenue... la réflexion de Marius te fait quelque peu monter en pression. Un abonnement au motel. Tu déglutis.
" - Deux chambre cette fois j'imagine ? " Tu marmonnes. Tu ne relève pas plus. Agacée. Tu ne sais pas s'il se souvient, tu ne sais pas s'il était sous l'effet du médicament... de sa fatigue... bref, tellement de questionnement qui reviennent, ce n'est pas le moment.
" - Ca va, ça empeste la mort " Sans doute l'eau pourrie. Pas que. Tu sens en bougeant des trucs dans l'eau boueuse et sale. Tu crains d'aller chercher quelque chose. Enfaîte, là, tout de suite, tu voudrais remonter. Marius a beau t'éclairer, une espèce de pression te serrer le coeur, t'oppresse, tu ne comprends pas vraiment ce que c'est, si c'est toi, qui ne rationnalise pas assez ou si c'est une sensation de claustrophobie.
" - Je regarde ! " Tu tentes de faire avec le peu de lumière que tu as.
" - Okay... c'est parti... " Tu parles à toi-même. Tu te penches dans l'eau et tu fouilles avec les mains.
" - Je vais vomir je crois... " Tu râles toujours. L'air est moite, désagréable.
" - Il y a plein de trucs dans l'eau... des branches..." Tu attrapes un truc pour le sortir. Lorsque tes yeux se posent dessus, tu le relâches immédiatement. Entre dégoût et peur. Un cris de stupeur.
" - Putain ! " Ton coeur bat trop vite.
" - Je crois que c'était un os..." Tu tentes de te calmer, un os ... certes mais sans doute que beaucoup d'animaux sont morts pris au piège.
" - Okay... c'est sans doute un animal... " Tu souffles pour te calmer. Ta voix tremble. Tu attrapes autre chose, un morceau de tissu... il semble pris dans... d'autres choses. Pas sûr que tu comprennes trop. Il est coincé... tu y vas à l'aveugle, tu ne vois rien sous l'eau, tes mains travaillent sans ta vue. Et en attendant que tu dégottes un autre truc dégoûtant... tu ne peux t'empêcher de parler.
" - On va vraiment faire comme s'il s'était rien passé ? " Parce que tu as besoin de le confronter et finalement, en bas de ce puit, ce n'est pas si mal. Tu tousses un peu, dégoûtée par tout ce que tu touches.
" - On s'est embrassé et on va vraiment faire comme si ce n'était pas arrivé ? " Tu ressasses les caresses, les baisers, combien tu as aimé. Tu arrives à récupérer le tissu et il semblerait qu'il y ait d'autres choses dedans.
" - J'ai un... éclaire ça s'il te plait ... " Tu mets ta trouvaille sous le faisceau de lumière.
" - On dirait... on dirait une robe de baptême... d'un bébé... Et... " Tu grimaces encore.
" - Un crâne... pas un crâne humain... un chat je dirais ou un petit chien. Le tissu est lié aux ossements... comme si on avait associé le corps de la bête avec... comme un espèce de rituel ... satanique peut-être ou juste wica. Dans certaines pratiques, on sacrifiait une être vivant pour tenter de ramener un autre. C'est une branche noir de la wica... cela se rapproche du satanisme... c'est peut-être lié aux symbole dans le salon..." Tu relèves la tête vers lui.
" - Faut que je remonte " Tu attrapes la corde trempée pour tenter de la renvoyer vers le haut.
" - Essaie de la récupérer et attache là quelque chose, je devrais arriver à remonter seule " Ou pas, mais pas question de lui faire utiliser son épaule.
(c) mars.