S'il avait choisi ce coin, de base, c'était pour tout oublier ; pour vivre proche de la forêt, pour se perdre dans l'allure des arbres, pour s'habiller l'âme de ces moments simples où juste le vent souffle, où la pluie tombe, où il ne se passe rien. Il arrive parfois que même les oiseaux s'en sont allé, que les petits ne piaillent pas, où les nids sont vides pour un temps ; où aucune bestiole n'a envie de venir bouffer son herbe, qu'elle leur semble sans doute pas plus verte que celle en forêt, où mêmes les ratons savent que ce n'est pas l'heure où ils ont quelques offrandes et vont approcher de la maison en bon gourmands ; il y a tout ces moments-là, où le temps se dilate et pour lesquels il a déménagé par ici, plutôt pour la plage, plutôt que pour la ville et son centre.

Sa solitude ; un écho dont il avait besoin.

Même quand son ex-mari a emménagé ; la route était juste un peu plus fréquenté, qu'il avait fallu faire quelques petits travaux pour le confort de monsieur ; et depuis son départ, il lui semble que le coin est encore plus désert qu'auparavant, que rarement les amis viennent en ce moment ; c'est que Leo a déconné et que tout se sait, à présent ; qu'il a la tête en vrac lui-même, le coeur pas assez accroché ; ou si, aux souvenirs, à tout l'irréel. Alors, dès que quelque chose cloche dans ce paysage qu'il connaît par coeur sans le pouvoir, ça lui saute aux yeux, comme si tout était alors dérangé ; comme si la nature, définitivement, n'allait plus chanter et ne laisser que les moments où il ne se passe rien ; il n'y aura plus de vent ; plus de pluie ; plus d'oiseau ; plus de bestiole. Et le véhicule, là, il ne devrait pas y être, que cette baraque, elle n'a plus vue de vie depuis si longtemps ; que personne ne souhaite l'acheter, ou une histoire du genre ; il n'est pas sûr, Devon, juste que ça le choque quelque part, que ça le fait ralentir une première fois.

C'est en revenant de la ville, qu'il voit qu'elle est toujours là, qu'il se décide à aller l'aborder. Gare sa bagnole proche et claque doucement la portière, cherchant après la vie qui devrait accompagner le véhicule. "Bonjour ?" Parle dans le vide ; espère tout de même trouver oreille attentive. "Je vous ai vu au passage..." Et pour le peu qu'il y en a, c'est sans doute une bonne nouvelle pour la personne coincée ici ; se dit pas que, tout de même, c'est étrange d'être tombé en panne ici, mais ça lui semble sans doute bien plus étrange de s'y être arrêté ; alors sa cervelle a choisi l'option de la mécanique qui trahie. "Vous avez besoin d'aide ?" Pas qu'il sache bricoler les moteurs, mais il a une caisse qui marche, de son côté ; connaît la ville ; parce que visiblement, c'est nouveau, ça, qu'il l'a jamais vu dans le coin auparavant, même pas aux abords d'une maison en ville.

@Esma El Misri

Ah, y'a bien quelqu'un et... Ah, y'a plus personne. Sonné pendant la seconde où il se retrouve face à la porte vide, à se dire ah ok et prêt à décoller. Mais elle réapparaît, plus que pour quelques mots. Et la situation paraît alors plus clair. "Ah, très bien alors !" Lui offre un petit sourire, avant que la boule de poils n'apparaissent, ne vienne vers lui ; il est une nouvelle fois surpis ; mais Devon et les animaux, c'est loin de faire deux ; alors déjà il sourit plus franchement, l'émail des dents qui apparaît même alors qu'il tend la pogne vers l'animal, juste pour qu'il lui renifle. "Aucun souci, il est adorable !" Et c'est sincère, ça se voit, se ressent, parce qu'il est encore à lorgner sur le chien. Mais l'inconnue en rajoute une couche, qui lui fait relever les yeux. Une semaine ? Mince, faut vraiment qu'il sorte plus de chez lui, ça devient catastrophique à ce niveau-là. Mais pour le reste, bon, autant lui dire tout de suite de ce qu'il en est. "Enchanté, Esma. Moi c'est Devon et je suis peut-être le seul mec gay à des kilomètres à la ronde, alors, j'aurais plus de chance d'être le dragueur lourd d'avec votre compagnon que vous." Souffle de rire, parce qu'il est pas sérieux sur la fin de sa phrase ; pas pour rien qu'il garde son alliance de base, veut absolument pas de mec dans sa vie actuellement ; quoique, ça dépend duquel on peut parler ; ok, bon, à part un seul, le reste peut se rhabiller. "Désolé si j'ai eu l'air suspect ou quoi. J'ai plus vu quelqu'un stationné près de cette maison depuis si longtemps que je me suis dit qu'il y avait peut-être un souci ou quoi." Il se tourne un peu, une pogne qui s'élève, le pouce qui se dresse et désigne l'arrière, la route. "J'habite plus bas, une maison tout en bois, aux abords de la forêt." Peut-être qu'elle connaît, qu'elle l'a déjà vu sur la route. Laisse retomber sa pogne, le long de son flanc. "Bref, désolé encore du dérangement et tout." Et même si les choses sont un brin plus claires, il se dit qu'elle préfère ne pas se retrouver avec un mec dans les parages, alors, il semble prêt à partir, un dernier sourire pour le chien ; adorable, la bestiole !

@Esma El Misri

Pogne serrée finalement, l'inattention du narrateur ayant été réparé enfin ! C'est que c'est un garçon poli le Devon, bien élevé - normalement ; et puis c'était un vrai signe de paix que cette main tendue pour la pincer ; et au moins Esma avait-elle su qu'il irait pas du tout pour la draguer, loin de là ; plutôt du genre à phaser sur le chien et le papouiller en fondant mille fois face à sa bouille ; les animaux, sa plus grande faiblesse. Et bref, le bout de sourire qui va bien, l'air désolé d'avoir dérangé, la curiosité qu'on range au placard ; et en même temps. "Dangereux ? Oh, non. En tout cas, j'ai jamais eu de souci de mon côté." Mais il veut pas gêner, peut comprendre que la dame soit fatigué des mecs qui pourrait l'aborder ; et dire qu'on est gay pour faire preuve de bonne foi... Ouais, quand il y repense après coup, c'est pas forcément signe qu'il est vraiment safe ou ce genre de choses. Alors Devon va pour la laisser ; et c'est peut-être ce qui peut la rassurer, à Esma ? Il en sait trop rien, apprécie juste que la porte se referme pas une nouvelle fois devant son nez ; et la proposition du café qui tombe. Bout de sourire qui se renforce. "Avec plaisir, même si je dois être un des gars les moins hantés du coin." Souffle un rire, avant de la suivre alors, tout en regardant encore le chien ; définitivement, il craque dessus. "Merci, pour le café." Qu'il dit en prévision, avant de mettre le pied dans cette caravane et de sans doute se ployer un peu, d'à cause de la taille ; mais il survivra, ouais.

Se pose là où on lui dira, curieux aussi de ce drôle de profil ; elle a dit qu'on les engagé ? "J'avoue que ça me rend un peu curieux aussi, votre histoire." Qu'il débute alors, aidant le chien à grimper à ses côtés ; apparemment ça peut avoir le dos fragile, les corgis. "C'est un habitant de la ville qui vous a engagé, du coup ?" Et ses doigts qu'atterrissent au-dessus de la tronche du doggo, l'alliance qui peut briller en paix sans doute ainsi, sous les néons. "Enfin, pardon si c'est indiscret ou quoi." Peut-être qu'ils ont un contrat de confidentialité, ce genre de trucs-là ; qu'est-ce qu'il y connaît, après tout ? "En tout cas, bienvenue en ville. J'espère qu'on vous laissera une bonne impression." Même s'il se doute que, well ; faut pas qu'elle tombe sur certaines têtes quoi ; parce qu'elle risque d'être servie sinon, niveau rustre qui donnent l'impression d'avoir jamais vu de femmes auparavant dans leur vie. Autant dire qu'eux, Devon ne les porte pas dans son coeur ; et se doute que ça sera pareil pour la pauvre femme.

@Esma El Misri