tw; troubles du sommeil


Pier’s end. Trois heures du matin. Planté sur la jetée, un rouleau de corde sous le bras, il ne peut s’empêcher de penser qu’il est toujours bloqué dans un drôle de rêve dont seul le lever du jour viendra le tirer. Mais l’aube est encore trop loin et il se passera bien longtemps avant que l’horizon se teinte du gris maussade de l’aurore. Il a toujours trouvé qu’il y avait quelque chose d’étrange à se trouver réveillé à ces heures de la nuit où le commun des mortels sommeille. Comme si le monde n'appartenait plus vraiment à l’Homme mais à quelque chose de plus onirique. Une présence nimbée de brume et habillée d’une obscurité qui fait clignoter les derniers lampadaires rescapés de la marina. La nuit est percée de leur lumière timide et vacillante, comme si elle donne l’impression de vouloir s’éteindre à tout moment pour ne plus jamais se rallumer. Et après ça, rideau.

Mais il sait que cette tranquillité n’est qu’illusoire. Il a beau être sacrément matinal, le reste de l’équipage finira bien par se montrer, cortège funèbre émergeant du brouillard pour embarquer vers le large bien avant que le soleil daigne gracier la terre de sa présence. Plus jeune, il avait l’habitude de se lever pour voir partir son père. Invariablement, la nuit finissait par avaler sa silhouette drapée d’un ciré noir interminable et il restait sous le porche, ne pouvant s’ôter de l’esprit qu’elle ne le rendrait peut-être pas. La tête farcie des vieilles histoires de son grand-père et des images tout droit sorties d’Hollywood, il s’était figuré un équipage fantôme, condamné à errer sur les mers à la seule lueur d’une lune capricieuse. Mais chaque lendemain, une fois le jour revenu, son père était de retour, rendu au monde des vivants pour une obscurité qui n’avait pas voulu de lui.  

Et parlant d’apparitions recrachées par la nuit, celui qui s’en vient à tout d’une improbable vision remontée de son imagination. A voir comme le gamin ne peut s’empêcher de venir traîner ses basques à des heures où il fait bon dormir dans les bras de Morphée, il se doute qu’il charrie sont lot d’interrogations et de doutes, autant de poids à ses chevilles. Il y a tellement de choses au fond de ce regard qu’il ne dira jamais vraiment. Ca fait plusieurs fois qu’ils se croisent dans cet étrange rendez-vous noctambule improvisé, chaque fois, Elijah ne peut s’empêcher de trouver qu’il y a quelque chose chez lui qui lui rappelle le passé.

"Tu es bien matinal!” interpelle-t-il