Ici, le temps est suspendu. S’arrête, s’enroule et s’écoule, et resserre son étau. Ici, le ciel est bas et le soleil hésitant, et personne ne sait quand ses rayons, toujours aspirés par l’ombre qui s’avance, ont bravé l’épaisse couche de nuages pour la dernière fois. Ici, la brume est souveraine et s’insinue partout : entre les troncs et sur la cime des pins, au pied d’une falaise ou jusqu’au bord de l’eau. Elle s’avance sur les trottoirs et s’invite dans les maisons. On dit qu’aux premières lueurs du jour, certains l’entendent fredonner son refrain préféré, lent et étouffé. Ici, les montagnes observent, leurs yeux comme des tâches émeraudes dans la nuit. L’océan gronde. Se retire et recrache des secrets ancestraux, sans qu’on ne sache jamais s’ils sont bien gardés, ce qu’il a avalé ou avalera encore. Ici, la forêt inspire et expire, un souffle continu et régulier qui naît à la racine de tout. Certains prétendent que le vent dans les arbres conte des histoires oubliées, et qu’ils retiennent ceux qui s’aventurent trop loin en murmurant leurs prénoms. Ici, ils assurent que la vie est douce et tranquille, familière.
Ici, le temps est suspendu.
Ici, le temps s’étire. Du coeur de la ville, jusqu’à la côte, jusqu’à l’orée du bois.
Ici, le temps attend.