Suite à son arrivée en catastrophe à Deer Creek, Selby passe les premières semaines à se morfondre. Se plaint de sa situation actuelle quand bien même elle seule a été l'instigatrice de son départ. Le temps passe à clamer haut et fort qu'elle ne regrette aucunement son geste ; que si c'était à refaire, elle se contenterait de suivre le même script à la lettre. Quand elle ne se laisse pas porter par les bienfaits de cette liberté nouvellement retrouvée, c'est son impulsivité qu'elle déplore. Des scénarios improbables qui occupent son esprit et qu'elle tente de déloger par le biais d'activités nouvelles. Elle s'essaie à la peinture, au bricolage, au crochet, à la confection de bijoux, de bougies parfumées. Tout et n'importe quoi, mais rien qui ne saurait combler ce nouveau vide dans son existence. Et pourquoi tu t'dégoterais pas un nouveau job ? Ça t'occuperait. Elle considère d'une moue hésitante les conseils avisés de ces quelques proches qui ne l'ont pas baptisée persona non grata. Elle loue leur bienveillance mais à ce stade, même une occupation à temps plein ne pourrait lui faire oublier la raison de son retour en ville. Oublier serait plus simple si la tonalité émanant de son téléphone ne l'alertait pas constamment de la publication d'articles à son sujet, et qu'elle ne laissait pas sa curiosité prendre le dessus sur son instinct de préservation. Si elle ne ghostait pas son agent, ce dernier lui aurait certainement rappelé à quel point il était déraisonnable de lire les commentaires désobligeants, principalement laissés sous couvert d'anonymat. Mais l'agent a été abandonné en même temps que la Californie et sa carrière, et Selby n'a par conséquent rien de mieux à faire que de se lamenter sur son pauvre sort tout en essayant d'omettre cette petite voix qui lui rappelle la nature pathétique de son état actuel.
À présent, tout ça relève du passé. Plus ou moins. Il lui arrive de consulter les réseaux sociaux pour voir ce qui se dit à son propos mais elle n'est plus dépendante de l'avis d'inconnus à qui elle n'est en rien redevable. Elle y jette d'ailleurs un dernier coup d'œil avant de pousser la porte de la boutique devant laquelle elle est passée à plusieurs reprises sans jamais s'y être aventurée. À l'intérieur, pas une âme. ― Bonjour ? tente-t-elle, des fois qu'un⋅e employé⋅e se trouve à l'arrière-boutique, et que son arrivée soit passée inaperçue. Rien. Un haussement d'épaules tandis qu'elle prend l'initiative d'inspecter les produits à disposition. Concentrée sur sa tâche, elle ne remarque pas immédiatement la personne dans sa ligne de mire, et manque de faire tomber la bougie qu'elle tient entre les mains lorsque la voix s'élève. On lui demande son avis quant à une certaine gamme de produits dont elle n'a jamais entendu parler, dans l'attente d'une recommandation certaine, et Selby fait ce qu'elle a toujours fait de mieux : elle prétend. Elle revêt la robe de l'employée et vante les subtilités du parfum à son interlocuteur qui semble davantage préoccupé par les traits de Selby que la question posée au préalable. ― C'est fou, vous m'faites penser à quelqu'un. Un rire nerveux pour toute réponse. ― J'vous jure, vous êtes le portrait craché d'la nana dans comment ça s'appelle déjà ? Frequency ! Oui, c'est ça. La nana. Sympa. Selby fait mine de ne pas comprendre, et tente de rediriger la conversation vers le produit qui a forcé leur introduction. Essai futile. ― Mais si ! Vous savez, celle qu'a balancé la chaise dans- Nope. Not today, Satan. ― Ah. Haha, oui. On m'le dit souvent mais j'vous assure que c'est pas moi. Par contre, c'que j'peux vous dire c'est que les nanas de son genre ne jurent que par ces produits. ― Vous êtes sûre ? C'est pour l'anniversaire d'ma mère mais j'y connais rien, alors… Un hochement de tête pour confirmation et Selby s'apprête à s'élancer vers le fond du magasin pour chercher un⋅e employé⋅e et se débarrasser de l'inconnu pour flâner tranquillement. Mais lorsqu'elle pivote sur ses talons, elle réprime difficilement un cri de surprise à la vue de la silhouette qui se tient silencieusement à quelques pas du tandem. Strangers popping up left and right in a very ominous manner. C'est quel genre de boutique ça ?