trigger warnings
drogue, violences domestiques, abus (mental, émotionnel, physique), prostitution, traumatismes, grossesse, aiguilles.
(Dans la mesure du possible, je vais essayer de ne pas traiter ces thèmes directement, mais clairement Alexis a pas un passé simple. Je vais vraiment faire de mon mieux pour ménager les sensibilités de chacun mais n'hésitez pas à me demander de modifier certaines parties).
identité; — à Deer Creek, tout le monde connait
Alexis Davidson et personne ne se doute qu'il ne s'agit pas du nom inscrit sur ses papiers.
Anna Walsh. Une personne qui n'existe plus, à en croire la principale intéressée. Une personne morte et enterrée.
age, date et lieu de naissance; — Alexis a
27 ans, née le 12 juin 1990 à Santa Monica, CA. Un été, à L.A. Le rêve, pas vrai ? Oui mais voilà, Alexis elle a grandi dans les bas quartiers de la ville. Le soleil lui a brûlé la rétine autant que l'odeur de cigarette lui a brûlé les narines.
nationalité; — La famille d'Alexis est l'incarnation de tout ce qui ne va pas en
Amérique, le pire étant qu'ils en sont tous extrêmement fiers.
situation familiale; — Il n'y a plus qu'une seule famille qui compte : sa fille. Alexis est la
maman de la petite Sara Walsh, adorable tête blonde qui fréquente l'école du coin ainsi que les cours de danse classique.
emploi; — Alexis cumule son job de
caissière à la pompe essence du coin et son activité de
tatoueuse dans son garage - qu'elle a bien entendu mis aux normes sanitaires. Une vie bien chargé qui lui permet péniblement de joindre les deux bouts.
situation financière; — si vous lui posez la question, Alexis a clairement connu pire. Pour autant,
c'est pas toujours évident de payer les factures. Heureusement, plus fourmi que cigale, ses économies des dix dernières années lui permettent d'avoir sa propre maison, sa propre voiture et pas trop de dettes pour autant.
situation amoureuse et orientation sexuelle; — Officiellement,
elle n'a pas le temps. Dans les faits, Alexis a essuyé plus d'un chagrin d'amour et elle ne se sent pas prête à imposer une autre présence que la sienne à sa fille. Elle s'autorise quelques aventures qui jamais ne durent, se prélassant certains matins dans les bras de ses amant.e.s qui auront disparu le lendemain.
signes distinctifs; — Alexis a l'art et la manière de se démarquer avec ses
nombreux piercings et tatouages. Et puis, c'est qu'elle est toute petite la jeune-femme, toute mince également. Sans ses longs cheveux noirs et ses yeux qui vous sondent, elle passerait presque inaperçue.
caractère; — On voit qui elle est. On la connait car c'est toujours elle qui nous sert à la pompe à essence. On la voit rechercher sa fille tous les jours à l'école et l'accompagner à chaque cours de danse. Si on veut se faire tatouer en ville, il faut presque obligatoirement passer sous ses aiguilles. Pourtant, personne ne saurait vraiment dire qui est Alexis. Discrète, voire même secrète, elle parle peu. Elle préfère écouter, l'étrangère. On lui trouve des airs snobs, on attribue cela au fait qu'elle vienne d'ailleurs. De où ? On sait pas trop. Sans doute une grande ville. C'est que c'est pas le genre de nana qu'on imagine changer un pneu. Pourtant, on ne la voit jamais demander de l'aide à ses voisins. Elle a l'air triste, la gamine, désabusée même. Ses grands yeux sombres ne s'illuminent que lorsque sa fille est dans les parages. Pourtant, ses sourires sont nombreux même si on ignore s'ils sont sincères. Parfois, on la voit se poser face à la mer, une tasse de thé à la main, et on s'interroge ; qu'est-ce que l'océan peut bien avoir de si intéressant pour qu'elle lui fasse face des heures durant ? Puis, sans un mot, elle retourne chez elle.
livre préféré : Alexis le reconnaît avec un léger rougissement : elle ne lit pas. Elle aimerait bien, pourtant, mais elle est incapable de se concentrer pendant suffisamment longtemps pour y arriver. Les lettres sur les pages finissent par se mélanger et n'avoir aucun sens. Aussi les seuls livres qu'elle a fini sont ceux pour enfant qu'elle lisait à sa fille.
film préféré : Little Miss Sunshine, ou le film qu'elle regarde dès qu'elle a le coeur en berne, si bien qu'elle ne connait par coeur et Sara également.
dernière chanson jouée : knocking on heaven's door, la version des gun'n'roses.
dernier sms envoyé : - Citation :
- Non je ne fais pas crédit.
à un soi-disant futur client. Depuis, elle n'a plus de nouvelles.
dernier repas : Un mac'n'cheese qu'elle avait fait congeler pour le jour où elle aurait la flemme de faire à manger.
personne à contacter en cas d'urgence : son plus vieil ami, qui n'est pas si vieux que ça, à savoir Isaac Heaney.
commande typique au diner du coin : Alexis étant végétarienne, elle se contente généralement d'une portion de frites ou d'une salade. En revanche, elle ne part jamais sans un milkshake.
contenus de son sac : Son téléphone, un spray à poivre au cas où, ses papiers, un paquet de mouchoir, un paquet de clopes et des tickets de caisse qui ont fini par perdre leur encre.
contenus de sa table de chevet : Ses anxiolytiques et ses anti-dépresseurs, une boite de somnifères pour les mauvais jours, une crème de nuit et une bougie.
endroits fréquemment visités : Les docks, le museum of natural wonders, books & treasures, the raven's cauldron.
endroit préféré : Même si on n'y trouve jamais rien d'intéressant et que ça pue le poisson, Alexis adore parcourir Pier's End, tout particulièrement au petit matin.
quel genre d'ami.e c'est : Une amie un peu trop dévouée, d'où le fait qu'elle préfère généralement rester seule. Mais Alexis est typiquement le genre d'amis qui vous aiderait à faire disparaître un corps.
un porte-bonheur : un bracelet en argent qu'elle a volé quand elle était ado et dont elle a fait son porte-bonheur de manière totalement arbitraire. Depuis, il est toujours à son poignet.
un rituel/une tradition : Le vendredi, c'est soirée pizza et Disney.
un rêve : Sans surprise, pouvoir un jour vivre exclusivement de son art. Envoyer chier son patron et ne vivre que du tatouage ou de ses dessins. Un rêve auquel elle ne croit plus vraiment et qu'elle préfère ne pas s'infliger.
une peur : Qu'on vienne un jour lui prendre sa fille. Il n'y a aucune raison pour que cela arrive et pourtant c'est une peur qui ne la quitte pas et qui la réveille souvent la nuit.
un souvenir : Le souvenir qu'elle veut emmener dans la tombe est définitivement celui du jour où Sara l'a appelée maman pour la première fois.
endlessness runs in you like leaves on the tree of night"
Les chiens ne font pas des chats."
Le regard sévère de l'homme se pose sur la mioche. Elle lève vers lui ses grands yeux bruns tout en sentant la rage faire battre l'artère dans sa gorge. A côté de lui, une femme du même âge l'observe, bras croisés et lèvres pincées. La gamine leur ressemble presque trait pour trait. La filiation est impossible à nier. Pourtant, ils auraient préféré. Derrière Anna, l'assistante sociale tente un sourire crispé tout en forçant, du plat de la main, la jeune-fille à faire un pas vers ses grands-parents. Elle se raidit. Sert un peu plus ses bras autour de ses épaules. Elle refuse de prononcer le moindre mot. Elle n'a pas demandé à être là. Elle n'a pas demandé à ce qu'on la ramène à la seule famille qui daigne l'accepter sous son toit. Si elle avait eu le choix, elle serait retournée chez sa mère. Ces gens-là, qui la regardent avec dédain, elle ne les connait pas. Elle ne les aime pas. Pourtant, elle sait. Du haut de ses seize ans, elle a bien compris que ce qu'elle voulait, elle, tout le monde s'en foutait.
L'assistante sociale est partie. Ne reste qu'Anna et une petite valise. Dans un grognement, son grand-père lui dit de le suivre. Il l'amène jusqu'au grenier ; sa chambre. Anna ne se plaint pas ; au moins c'est propre et il y a un lit. Puis, l'homme tourne ses talons, prétend la laisser s'installer. Prudemment, l'enfant s'approche, jauge du regard les quelques meubles qui habillent la pièce. Une commode dont l'un des tiroirs refusent de se fermer. Un tapis laminé. Un bureau couvert de boites qui ne lui appartiennent pas. Eventuellement, son regard se perd dans le reflet terne que lui renvoie un miroir. Naturellement, ses iris sombres se posent sur la bosse qui se forme sous ses vêtements, trahissant ses vêtements. Aussitôt, les larmes envahissent ses yeux. D'un geste rageur, elle saisit un plaid qu'elle jette sur le miroir avant de se laisser tomber au sol. Stupide petite fille qu'elle était.
La pluie battante sur les lucarnes fait un boucan assourdissant. Casque sur les oreilles, Anna ignore tout de ce qu'il se passe au dehors. Cela fait plusieurs mois qu'elle est scolarisée à domicile mais personne ne semble se soucier du fait qu'elle peine à lire les texte les plus simples. Il lui arrive de parcourir des magazines people, prétendant en comprendre le contenu, s'attardant avant tout sur les photos. Elle observe la vie des autres en tentant s'ignorer la sienne. La tâche est plus ardue qu'il n'y parait quand on ne voit plus ses pieds à cause de l'être qui s'est établi dans son ventre.
On frappe à la porte. Anna n'entend rien. Pas plus qu'elle entend s'approcher Irma. Elle sursaute légèrement quand elle la voit apparaître dans son champ de vision. Elle porte un plateau repas et le pose sur sa table de nuit. "
Tu n'es pas descendue à midi, j'ai pensé que tu aurais faim" Anna n'a pas la moindre idée de l'heure qu'il est. Elle hoche vaguement la tête en guise de remerciement. Irma lui jette alors un regard en biais. "
Tu vas bien ?" les mots sonnent faux dans cette bouche qui ne s'ouvre jamais pour elle.
"Oui. J'avais pas vu l'heure, pardon." L'adolescente réalise que cela fait plusieurs jours qu'elle n'a plus parlé à voix haute. Sa gorge est enrouée, presque douloureuse. Elle rend le malaise davantage palpable. "
Hm. Je t'ai monté quelques livres aussi, ainsi que de quoi écrire. Je me suis dit que tu t'ennuyais sans doute." Anna retient un haussement de sourcil. Lire ? Pour quoi faire ? Mais elle ne relève pas. Elle s'ennuie en effet. Et ses discussions passionnantes avec des inconnus sur MSN ne suffisent plus à tromper le temps qui ne passe pas.
"Merci" lâche-t-elle sans conviction.
Les livres demeureront intouchés.
Le carnet et le stylo qui l'accompagnaient ne retrouveront jamais leur place.
Anna était persuadée de ne pas l'aimer. De ne pas la supporter. Pourtant, à l'instant où on posa sa fille sur sa poitrine, elle fut incapable d'en décrocher son regard. C'était plus fort qu'elle. Une douce chaleur s'était diffusé depuis son coeur dans tout son corps et depuis, elle ne l'avait plus quitté. Elle avait décidé d'appeler sa fille Sara. Sans vraie raison, elle aimait juste ce prénom. Dans ses bras d'adolescente, Sara paraissait bien grande. Pourtant, elle était née trop tôt et avait passé plusieurs jours dans une couveuse avant d'être autorisée de rentrer chez elle. Depuis, son berceau avait été installé dans la chambre d'ami et Anna ne la quittait plus. Sara, dès le premier instant, lui avait appris quelque chose de surprenant : malgré tout, elle était capable d'aimer. Cette simple vérité avait amené avec elle l'espoir d'un futur plus doux, plus tendre. Hélas, elle le sait, avant ça il y aura de nouvelles épreuves à affronter. Des épreuves qui ne sont pas faites pour une adolescente de tout juste dix-sept ans. Attentive, elle entend Irma et son mari parler depuis la cuisine. Elle ne comprend pas ce qu'ils disent mais lentement, elle se lève, posant à côté d'elle son carnet à croquis. A pas feutrés, elle s'approche du berceau où dort sa fille et la couve d'un regard tendre.
"Je ferai les choses bien, ne t'en fais pas." et sur un doux baiser, elle quitte la pièce pour se mêler à la conversation.
"Je suis sa mère." La voix ne tremble pas. Jamais Anna n'a parlé d'une voix si clair, si fluide. Attablée dans la petite cuisine de la maison de ses grands-parents, elle porte à ses lèvres un café encore brûlant. Son visage n'exprime pas le moindre inconfort lorsque le liquide parcourt son oesophage. Les traits de Luke se durcissent tandis qu'Irma pose une main sur son bras avant de poser son regard fade sur sa petite fille "
Anna, ce n'est pas sage ..." elle est interrompu par le son de la tasse qui se heurte contre la table. Devant elle, il n'y a plus d'adolescente renfrognée mais une adulte déterminée.
"Ce n'est pas à vous de décider ce qui est sage ou non." Dans un geste rageur, Luke se lève ; sa chaise tombe à la renverse ; Anna ne sursaute pas. Elle n'en a jamais fait les frais mais elle sait que son grand-père est violent. Elle a souvent vu les bleus fleurir sur les bras d'Irma. Fut un temps, elle trouvait ça normal. Après tout, elle n'avait connu que ça, la violence. Elle avait vu sa mère se faire battre par tout un tas d'homme et en redemander pour peu qu'ils lui filent quelques billets ou un rail de coke. Quand Luke se met à l'insulter, elle ne bronche pas. Les mots odieux qui sortent de sa bouche ne font que la conforter dans son idée : sa fille ne grandira pas avec ces gens. Elle l'emmènera loin, aussi loin que nécessaire, pour lui garantir une vie stable et pleine d'amour. Irma bégaie le prénom de son mari mais cela ne suffit pas. Alors, Anna se lève.
"Je ne suis pas venue me faire insulter." Avec colère, Luke fait le tour de la table pour la rattraper mais elle est plus rapide. D'une voix mauvaise, elle lui crache à la figure
"Les chiens ne font pas des chats." Dehors, des sirènes de police retentissent. Elle a bien calculé son coup. Luke et Irma l'observent, interdit. Quelques minutes plus tard, les grands-parents sont contraints d'aller ouvrir, d'expliquer à l'agent que tout va bien. Non, personne n'a crié. Non, personne n'a pleuré. La personne qui les a appelé a dû se tromper. Au même moment, Anna sort de la maison, un enfant dans les bras. Son enfant.
Deux jours de route. A croire qu'Anna a fait en sorte de mettre le plus de distance possible entre elle et ses grands parents. C'est sans doute le cas, à vrai dire. Après deux mois à vivre chez un ami, il était temps de quitter Los Angeles. De quitter ce passé qui lui collait à la peau. Elle a de l'argent de côté. Suffisamment pour payer les premiers mois de loyer. De toute façon, les loyer en dehors des villes ne sont pas bien chers. Et elle est débrouillarde, la gamine. Elle l'a toujours été. Elle a bien dû apprendre à l'être pour survivre parmi les serpents. Un regard sur sa fille endormie sur le siège passager et un sourire vient orner ses lèvres. Sara, elle, elle ne connaîtra pas tout ça. Elles seraient heureuses, toutes les deux, rien qu'elles deux.
La voiture se gare sur le parking d'un motel. Sa réservation est déjà faite, passée la veille par téléphone. Anna n'a quasiment pas d'affaire, juste une valise et le sac de sa fille. Elle demeure muette quand le réceptionniste lui demande ce qu'elle a prévu de faire à Deer Creek. Elle ne répond pas davantage quand il lui demande si elle a de la famille dans la région. Il n'insiste pas, lui rend sa carte d'identité et lui indique le numéro de sa chambre. Elle est sommaire, mais elle est propre. Les poussières ont été faites récemment, c'est le principal. D'un geste nonchalant, elle attache ses cheveux après avoir nourri Sara, puis sors son ordinateur portable ; sans perdre de temps, elle se met à chercher d'abord un emploi, puis un logement. En l'espace de seulement quelques semaines, Anna est installée. Alors, elle laisse derrière elle qui elle est, définitivement. Son prénom, d'abord. Quand on le lui demande, elle s'appelle Alexis. Puis, son nom de famille, Davidson. Elle fait les choses en douceur, laisse le temps silencier les questions. De toute façon, elle n'a pas d'explication à donner, sinon que penser au passé est trop douloureux. Elle préfère se concentrer sur l'avenir.
Le coeur d'Alexis bat à tout rompre dans sa cage thoracique. A côté d'elle, Isaac divertit Sara qui se demande ce qui arrive à sa mère. Celle-ci pose un dernier regard sur son garage. Elle en a fait du chemin depuis qu'elle a posé ses valises au Five Pine Inn. Elle ajuste un bol de friandise posé sur une table basse tandis qu'elle appréhende la sonnerie de son téléphone qui s'apprête à retentir. Puis vient 10h. La boule au ventre, elle se dirige vers la porte d'entrée, récemment par une porte vitrée sur laquelle se détache le nom "Unwanted Tattoo". C'est un petit rêve qui se réalise tandis qu'elle retourne auprès de sa fille et de son meilleur ami. Elle lui adresse un regard inquiet, cerné par les affres d'une insomnie. Elle ne serait jamais arrivée là sans lui. Sans cette main tendue depuis son arrivée. Elle n'a cependant pas le temps de le remercier qu'elle sans la petite main de sa fille saisir la sienne. Un doux sourire étire ses lèvres tandis qu'elle soulève Sara avec douceur pour l'embrasser.
Lorsque la journée se termine, Alexis se sent légère. Si légère. Son coeur semble sur le point d'exploser de joie. Elle a tatoué toute la journée, si bien qu'elle sent son poignet la lancer. Elle sait que ce n'est que le lancement, qu'elle ne pourra pas vivre de son art avant un moment, mais elle s'en moque. Peut-être pour la première fois de sa vie, elle fait quelque chose pour elle. Juste pour elle. En rentrant, elle passe par la chambre de sa fille pour l'embrasser sans la réveiller avant de rejoindre Isaac dans le salon pour échanger une bière bien méritée. Elle lui raconte en détails sa journée ; il ne l'avait sans doute jamais entendu prononcer autant de mots d'affilée. Demain, elle retournera travailler à la pompe à essence, mais aujourd'hui elle célèbre.