tw. naufrage, cauchemars, insomnies, décès d'un proche.
Elle repose sous les draps. Oblique, virevolte, se planque sous le traversin pour mugir ; les lucarnes cruelles de Morphée et d’Hypnos dressées sur son squelette consumé. La torture est constante. Crispante.
Ne connaît plus que deux alternatives à ses nuits, Nixi, depuis [ la mort de Papa ] - la sépulcrale invective ne se prononce plus - : s’emparer des cachetons, les faire dégringoler en rafale pour trouver le chemin de la léthargie. Sommeil injecté d’hallucinations. Délires qui se confrontent au jour de tempête, le navire Arlen qui s’effondre dans les épouvantables abysses. L’écho des SOS. Le grondement des flots. Infâmes tourments, répétés à l’infini depuis
le jour de nuit, intensifiés par les dragées de sommeil.
La seconde alternative ? Subsister. S’éviter la captivité du sommeil pétrifiant.
Faire face à la même ritournelle,
si je m’endors,
je vais retourner là-bas. le regarder disparaître. encore. encore. et encore.
je vais plonger.
nager.
chercher la lumière dans l’obscurité.
parvenir jusqu’à lui.
tendre une main.
frôler ses doigts et puis…
je vais me réveiller.
ici.
me redresser sur mon lit. glisser ma main sur mes joues. y trouver de l’eau salée. [ peut-être de l’eau de mer ? ] Mes pieds enfileront mes souliers. Machinalement, ma carcasse renoncera au lit. Je passerai quelques secondes dans la salle de bain. Mes mains s’uniront à l’écoulement du robinet. J’y plongerai ma figure. [ Comme pour m’y noyer. Comme pour m’y noyer. ] Et puis, mes souliers reproduiront la même traversée. Me guideront jusqu’en bas. Dans le salon ou mon atelier. Et pendant des heures, mon spectre restera assis quelque part. Mes yeux se pétrifieront sur la baie vitrée. Et j’attendrai. Une heure. Deux heures. Six heures. Le retour de l’éclat de l’astre-jour. Pieds froids. Sans souliers.
Il n’y a pas de lumière dans la cuisine. Pourtant,
elle la voit.
Papillon de nuit séduite par la splendeur d’un éclat, elle s’en rapproche ; légère et hors d’elle-même, rengaine reproduite à l’infinie. Elle entre. Ne perçoit pas les rumeurs extirpées sur les lèvres de Battiste. Marche, progresse assurément vers son ombre. Le regard désert, stérile de toute émotion.
parvenir jusqu’à lui.
tendre une main.
Sa dextre se suspend dans l’air.
S'apprête à émettre un contact sur les fentes harassées de l'indiscernable veilleur de nuit.
frôler ses doigts..L'autre main se referme sur les phalanges du maraudeur. L'emprisonne, suppliante.
et puis…« Papa ? » je vais me réveiller.
ici.
Encore ce rêve ? « L'rodeur ? C’est toi ? » Redevenue elle-même. Les mains s'éclipsent, s'écrasent contre sa chemise de nuit.
Y’a pas d’éclat, dans cette cuisine. Y’a pas de Papa, dans cette illusion. Seulement le veilleur de nuit. La fripouille. Le bandit. Certainement passé par la fenêtre esquintée.
Pas celle-là. Qu’elle avait énoncé au charpentier. La baraque des Arlen autrefois bricolée par les trois têtes habiles de la maison : Papa, Edem. [
Toi aussi t’étais là l’rodeur. ]
Y’a pas de mal à réparer une fenêtre ma p’tite dame. ‘Pensez pas qu’un cambrioleur pourrait se glisser par là ? C’est ce qui fait tout le charme de cette fenêtre. L'imprévisible visite d’une crapule. « Est-ce qu’un jour tu frapperas à la porte avant de t’introduire dans cette maison, vieux roublard ? » Elle pourrait réclamer quelques explications. Le confronter à son infraction. Les portes de cette maison qu’il ouvre et refermes-en tapinois. [ comme autrefois ] Sans jamais la prévenir. Sans jamais s’annoncer. Les allers et retours de l’ambulant voyageur. Mais le gredin a rompu la rengaine malfaisante.
Glisser ma main sur mes joues. y trouver de l’eau salée. Elle s'essuie les pommettes d’un revers de manche. [ N’allumera pas la lumière. Ne laissera rien transparaître de sa perte de conscience. Se préoccupera toujours des autres avants elle. ]
« C’est de plus en plus difficile. Tu sais ? » Question rhétorique exprimée dans un murmure. Ne fera pas sens pour Raco [ mais fait sens pour elle. la laissée-pour-compte. proscrite des chroniques du roublard. ] La plainte résonne comme une réprimande. Est libre d’agir et de faire, Raco. Mais pourrait, quand même, se soucier un peu de l’abîme qu’il transperce dans l’endocarde de la chapelière à chaque nouvelle
évasion.
@Battiste Raco